video plein écran sur http://www.youtube.com/watch?v=NSZQy6OudWc&feature=youtu.be
Lorsqu'en 1989 je décidais de réaménager le terrain de l'hôtel Baudy
( voir Le jardin de l'hôtel Baudy en travaux 1989/1991 ) , j'imaginais celui-ci comme un espace végétal qui aurait réuni les différentes vues paysagères prises pour motif par les impressionnistes , une galerie à ciel ouvert ou le le tableau serait remplacé par le motif réel .
Il ne s'agissait pas ,bien sûr, de reconstituer fidèlement une scène mais de créer une analogie de situation où les similitudes seraient suffisamment fortes et crédibles pour amener le visiteur à se glisser dans le décor .
Cela supposait , avant touts propos , d'identifier et de sélectionner plusieurs thèmes paysagés dont abondent les créations de la période impressionniste . Ainsi , de l'allée champêtre à la gloriette croulant de roses , du massif d'iris à la tonnelle de glycine , je sélectionnais les plus emblématiques .
De là , J'imaginais un circuit à l'image de celui que fait le visiteur dans un musée , mais en lieu de le faire défiler devant les œuvres peintes , ce dernier passerait devant le motif et à l'intérieur de celui ci .
Ainsi , afin d'élaborer ce projet , il était nécessaire de ne retenir que l'observation du parcours de l'amateur qui , dans une galerie , passe d'une toile à l'autre , en quelques pas , s’attardant de ci de là , et change autant de fois de paysage qu'il y a d’œuvres exposées .
Chaque œuvre observée ayant sa propre autonomie certes tout en restant reliée aux piéces suivantes par le fil conducteur du théme de l'exposition .
Le jardin envisagé suivra cette logique , ainsi chaque motif sélectionné sur une œuvre peinte sera recomposé et réinterprété physiquement sous la forme de scènettes de verdure dans un espace limité , l'idée étant de de reproduire l'ambiance qui figure dans l’œuvre dont elle s'est d inspirée .
Ces théâtres de verdure , véritables tableaux vivants , distribués sur l'ensemble du site , communiquant entres eux par un réseau pédestre , offriraient au visiteur , l'illusion de marcher dans les pas des artistes impressionnistes venus en ces lieux .
La philosophie
La crédibilité des scènes végétales et plus largement celle du jardin, était essentielle. Ce dernier devait emporter l'adhésion inconditionnelle du visiteur sur son authenticité , son ancienneté .
Cette notion d'ancien ayant pour intérêt d'enrichir ces décors des émotions liées aux choses du passé
Qui n'a jamais éprouvé de troubles , lors de la visite d'un château par exemple , à la vue d'une rangée d'armure alignées contre un vieux mur centenaire.
Cette patine du temps , essentielle à l'histoire transporte le visiteur hors du moment ,
et cet élément se devait donc d'être perceptible .
Mais s'il est simple d'avoir ce sentiment en parcourant un donjon médiéval , cela l'est moins
lorsqu'il s'agit d'un jardin en fleur qui par définition est vivant et donc présent.
Je résolu ce dilemme en m'inspirant de Jean Jacques Rousseau . Dans son roman ,La nouvelle
Heloïse
Dans cette oeuvre , il décrit un jardin à l'abandon et oublié , un espace intemporel .
Ainsi qu'il le note , le jardin de Julie semble être éternel , suspendu , et donner, au visiteur , l'illusion
que le végétal, faute d'entretien , est retourné à sa nature sauvage sans âge .
L'espace dépeint , évoque des architectures végétales affranchies de la main du jardinier
ou ''rien n'est nivelé , ni tracé au cordeau'', car la nature a ses outils et ..."Il semble se faire seul "...
Le lieu est agreste ,abandonné ,semblable à une '' île déserte qu'aucun pas n'a foulé . ...''
Ainsi , Rousseau propose la vision d' un jardin utopique ,qui conduit l'homme qui le pénètre , non à une
autre époque mais dans une autre dimension , celle de l' intemporelle nature . Par ces évocations
paysagères , il introduit une notion de romantisme appliquée aux espaces verts en convoquant
le lecteur à la flânerie dans un éden végétal , naturel , sauvage et hors des repères connus .
extrait , le jardin de Julie à Claren
La poêsie , l'âme du jardin
C'était à l'abandon que j'avais découvert cet endroit et l'émotion qui s'en dégageait me parut devoir être conservé ( .L'hôtel Baudy en 1988 ) .
Malgré cet état de solitude , il persistait dans ce lieu une présence insaisissable et je me souviens que des amis en visite faisait souvent mention d'un présence indicible .
Il faut dire, qu'en 1988 , le plus petit recoin , le moindre objet prenaient parfois des dimensions extravagante , comme , par exemple , ce balcon en lambeau que le vent faisait gémir.
Dans son film la belle et la bête ,Jean Cocteau illustrera ces sensations pour en tirer des effet
poétiques .
Suite à une longue période d'oubli , le château de Raray dans lequel fut tourné le film , était particulièrement dégradé
Ce lieu extraordinaire lui offrira le décor idéal pour imager son conte de fée .
le château de "La Belle et la Bête" de Cocteau
Le jardin de la bête , envahi d'une végétation exubérante parcourant des ruines , recèle la force évocatrice puissante qui mène le spectateur sur les chemins du merveilleux et de son enfance . Épars , meubles , sculptures hantent un lieu endormi dont les objets s'éveillent dés qu'un visiteur trouble leur sommeil et semble répondre au poème de Lamartine : "objets inanimés avez-vous donc une âme qui s'attache à notre âmes et la force d'aimer"
Cela nous éclaire , sur le pouvoir mystérieux qu'ont les objets d'activer la mémoire assoupie , de provoquer les sens , de fracturer l'armoire aux souvenirs de tout un chacun et d'en renverser les tiroirs secrets
C'était précisément cela qui flottait ,dans l'ancienne demeure des peintres deGiverny et qu'il fallait préserver
Du concept à la réalisation
Fort de ces réflexions ,et les grands axes définis , le chantier commença au début 1989.
Le tracé général ne devait pas offrir de perspectives ,comme nous l'avons vu , afin de cloisonnerl'espace en une succession de salle de verdure représentant différentes scènes , chacuned'elle reliée à sa voisine par des cheminements quadrillant un jardin devenu cimaise .
Ces espaces circonscrits , privés de lointain , obligent le visiteur à n'observer que le décors confiné dans ce cadre .
Sans dévoiler les scènes voisines , des chemins escamotés et des escaliers impromptus viennent office issues et dérobades et invitent le visiteur à poursuivre librement son parcours .
s
salle de verdure sans perspective scène évoquant un déjeuner
rocaille paysagée allée cursive et escalier en trompe l'oeil
Escaliers montants ,descendants , chemins et allées ramifiés en un labyrinthe qui ne dit pas
son nom.
Escalier ,allées et passages , produisent un parcours aléatoire accentués par les effets végétaux .
Rapidement égaré, le visiteur va de place en place découvrant incessamment de nouveaux tableaux
Ces petits égarements l'obligent à chercher son chemin , à participer au parcours et à faire l'effort de
son itinéraire .
Cette activité l' inscrit dans le décor tout en lui faisant perdre la notion de temps .
Des obstacles impromptus ,ici l'arceau d'un rosier croulant de fleur sur le chemin contraint au
détour , plus loin , l'allée semée de pavot n'offre plus qu'un mince sentier , là encore l'escalier dévoré
de végétation oblige l'enjambement .
Ces accidents voulus, provoquent la surprise du visiteur ,stimulent ses émotions et sa participation .
l'importance de la densité florale était tout aussi primordial . Les impressionnistes nous ont habitués
à leur vision artistique débordante de couleur , parfois jusqu'à la saturation
Claude Monet Richard Miller
Ces peintres ont souvent sublimé les massifs floraux ,à l'exemple de Mary Macmmonies ci-dessous .
Une profusion florale irréelle est accentuée par des effets de touches papillonnantes , de coups de
pinceau en virgule , qui ajoutent et exacerbent ,par leurs vibrations colorées , l'effet floral rendu .
Cette technique impressionniste , poussée à l'extrême, prendra le nom de divisionnisme.
Théodore Earl Butler Camille Pissarro
Dans le jardin , ces effet de ''papillonnement et de touches '' sont simulés par l'introduction de nombreuses plantes à petites fleurs et de végétaux aux feuillages colorés .
Les vibrations colorées végétales qui en résultent sur l'ensemble des massifs rejoignent celles chères aux impressionnistes .
Frederick Carl Frieseke
Les ombres bleues
Les impressionnistes adoptèrent également le bleuissement des ombres jusqu'alors terreuses et grisâtres .
Cette technique permettait d'insuffler la dimension de l'atmosphère sur la toile et de mettre littéralement un peu de ciel sur le sol.
Dans nombre de peinture ,à l'exemple de celle ci-dessous , le noir disparaît au profit du bleu , afin
d'accentuer l'effet lumineux de la clarté d'une journée d'été au ciel azuré .
frederick carl frieseke femme au jardin à Giverny
album Frederic-Carl-Frieseke
Sur le terrain , ce bleu , indispensable à la palette impressionniste , sera obtenu en distribuant autourdes rosiers de nombreuses variété végétales à floraison bleu telles que les aconits , géranium vivace ,delphinium ,sauge ,bleuet , etc.
Sur l'enseignement de ce qui précède et de la mise en œuvre sur le terrain , voici quelles vues du jardin mises en parallèle avec un tableau impressionniste afin d'en juger des similitudes.
Les effet chromatique floral exacerbé .
Ici , une courte allée rectiligne à la perspective fermée ,bordées de part et d'autre d'un flot végétal coloré surabondant :
Là , le jardin n'est plus que bouquet et le sujet floral devient un simple prétexte aux savantes couleurs de l'artiste .
Quant la roseraie atteint son point de floraison maximal au printemps , les vagues colorées des multiples rosiers couvrent le sol de pétale comme un peintre sa toile
Une végétation turbulente dévore escaliers et murets évoquant des ruines , l'ensemble donne à la scène une note romantique. Dans cette œuvre s'affronte la pérennité de la pierre aux fleurs de saison éphémères , le sujet tout à sa lecture d'un livre à demi parcouru accentue la symbolique du temps.
Perspective murée derriére un modèle coiffé d'une cascade florale aux airs de tenture , objets , touffes de verdure ponctuées de fleurs qu'une allée centrée ,telle le rayon d'un projecteur sur une scène théatralisent .
Frieseke
Mise en scene d'un bref moment d'une journée , jouant sur fond d'un lumineux chaos végétal s'opposant à la géométrie structuré des treillages et des sièges.
Sur le terrain , des éléments similaires disséminés à escient reconstruisent cette ambiance
L'oeuvre de Pissarro ci-dessus évoque un instant de quiétude ,confiné dans un espace calme et doux ,les rondeurs des allées bordées de vagues florales , ont tout de la féminité.
Au second plan , la maison que l'on devine jette une flaque de lumière blanche dans les frondaisons envahissantes .
Dans le jardin de l'hôtel Baudy, des correspondances illusionnent au point de se demander sice n'est pas précisément là que le peintre à saisi son sujet
Parenté scénographique , ici c'est l'ambiance générale qui crée les similitudes
John Leslie Breck -
Rocailles fleuries
lorsque les fleurs se font les complices des illusions d'un tableau vivant
paysage de Camille Pissarro
champs devant l'hôtel Baudy ;un air de famille .
Aux analogies construites viennent s'ajouter les lieux authentiquesreprésentés sur les tableaux ,ici Ritman croque un modèle depuis la fenètre du deuxiéme étage ( entre les balcons )
La force de conviction des objets
Disséminés dans le décor , les objets sont des messages adressés aux visiteurs . .Judicieusement sélectionnés pour leur pouvoir d'évocation , ils interviennent sur les souvenirs propre à chacun .
Différents éléments sélectionnés sur les oeuvres peintes ,sont mis en situation , sur le parcours des visiteurs .
découvrez les objets ,les véritables seconds rôles des scènes impressionnistes .
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